Chapitre 15
Nous faisons tous les deux face à ce spécialiste en neurochirurgie. Tu es assise à ma gauche dans un fauteuil roulant car tes jambes ont du mal à te soutenir et tu as besoin d’aide pour marcher. Le professeur, assis derrière son bureau, marque un léger silence avant de commencer :
« Nous avons, avec plusieurs de mes confrères, consulté vos dernières IRM. Il est très clair que votre cavernome va continuer d’évoluer. Nous avons beaucoup hésité avant de nous prononcer mais étant donné que la zone visée est très fragile, il nous était vraiment délicat de se projeter pour essayer de vous proposer quelque chose.
- Cela veut dire que vous avez une solution ?, je demande sur un ton dissimulant un faux-semblant d’espoir.
- Non, enfin pas vraiment. Ça dépend de vous, mais laissez-moi vous établir les faits. Si vous choisissez de rester en l’état actuel et de ne tenter aucune intervention, il y a de fortes chances pour que ce cavernome, qui grossit assez rapidement, provoque chez vous de fortes complications pouvant entraîner un éventuel décès avant la fin de l’année.
- Mais qu’est-ce que la dernière imagerie a donné ?, demandes-tu avec une voix grave ».
Il reste un temps silencieux puis recule sa chaise d’un mouvement de jambes tout en restant assis, croise ses jambes en maintenant son genou droit avec ses deux mains dont les doigts sont entrecroisés puis il poursuit en restant toujours aussi calme et posé :
« Eh bien,… il a encore grossi mais très peu. Cependant il s’est déchiré légèrement et un saignement s’est opéré dans la zone concernée.
- Qu’est-ce que vous me proposez alors ?
- Un geste chirurgical. Mais il faut bien que vous compreniez que cela sera quelque chose de très complexe étant donné la localité. Une telle intervention nécessiterait une Anesthésie Générale assez lourde d’environ 6 à 9 heures d’opération. Nous devrions opérer à plusieurs car cela demande beaucoup de concentration et nous voudrions mettre un maximum de chance de notre côté. Mais…
- Mais…,
- Mais, même si toute cette opération se déroule sans encombre et que l’exérèse de cette tumeur réussit, il y a un risque maximum pour que vous ayez de lourdes séquelles que ce soit au niveau de la motricité, de la vision ou de l’expression orale. Je tiens vraiment à ce que vous ayez conscience de ça. On peut faire quelque chose mais cela ne sera pas dénué de conséquences ».
Tu tournes la tête dans ma direction et je lis dans tes yeux comme dans un livre ouvert. Ils me disent :
« Qu’est-ce que je dois faire mon Bélou ?… »
Ton regard tremble, tes yeux brillent d’émotion mais tu ne pleures pas. Alors je te réponds :
« Je sais que c’est une décision difficile à prendre ma chérie, mais c’est ta vie avant tout et quoi que tu décides, je reste derrière toi et je te soutiens ».
Tu te tournes vers lui et… :
« D’accord Docteur… Je veux bien qu’on m’opère ».
***
Le soir même, je mets tes parents au courant de la situation et je leur expose notre vision. Comme nous ne pouvons supposer de la suite d’un tel acte chirurgical, malgré notre PACS puis un testament fait chez un notaire lorsque nous avions acheté notre maison, nous souhaitons nous marier et je te fais le serment que s’il doit arriver quelque chose tu partiras avec mon nom.
Bien évidemment, ils sont de notre avis et approuvent vivement notre décision. Je t’annonce alors la bonne nouvelle le lendemain et sans plus attendre nous commençons l’après-midi suivant la liste, très restreinte, des personnes qui seront présentes à notre mariage. Un évènement qui par la force des choses se déroulera sur le site même du CHU de Poitiers et qui nous donnera du fil à retordre pour les démarches administratives.
Quelques jours plus tard, nous sommes fixés…
Le mariage aura lieu le samedi 5 juillet 2014,…
Seulement 5 jours avant l’opération, prévue le jeudi 10 juillet 2014.