Le temps des secrets

Abel Bau

Un mariage particulier

Chapitre 16

Vendredi 4 juillet 2014.

La petite amie de Nicolas, mon deuxième témoin, passe à l’hôpital pour te faire ce qui s’appelle une french manucure. Histoire que tu sois toute belle pour le grand jour.

Elle s’appelle Coralie et elle est avec Nico depuis septembre 2009. De taille moyenne, elle dessine une belle silhouette fine et harmonieuse qui se complète par de longs cheveux châtains clairs. Des yeux noirs petits et malicieux lui octroient un regard pétillant et discret à la fois pour un visage se terminant avec une petite bouche et un sourire délicat.

Quant à son homme, Nicolas, c’est à la base un très bon ami à moi que j’ai connu avant qu’il ne rencontre sa moitié. De taille similaire à sa compagne, il est carré d’épaules et bien bâti. Certains traits de son visage lui donnent de faux airs de l’acteur Patrick Swayze. Physiquement en pleine forme, il travaille comme éducateur et animateur sportif pour jeunes enfants. Il s’investit énormément dans les activités extra-scolaires et il aime transmettre son savoir. J’aime régulièrement l’appeler « mon jedi » car il se passionne pour tout ce qui touche à la culture générale et à son langage. Un amoureux des mots en quelques sortes. Un ami que je n’ai pas choisi comme témoin par hasard.

Tu es allongée sur ton lit et Coco s’affaire autour de toi pour te donner les plus belles mains qui soient. Elle a tout l’attirail d’un institut professionnel et tu profites de cet instant de répit pour te faire pouponner.

Sujets de discussion divers et variés, tout y passe et vous en riez bien. Tu fermes les yeux en même temps qu’elle te parle et malgré un rythme de voix un peu plus lent que d’habitude, tu te laisses aller en ressentant au bout de tes doigts toutes les petites attentions de Coralie.

Environ 1 heure et demie plus tard, tu es fin prête avec des mains et des ongles magnifiques. Je remercie la petite chérie de mon ami pour ce moment qu’elle t’a apporté et je finis par m’éclipser pour rentrer chez nous car je dois également préparer mon costume, impatient mais aussi stressé d’être déjà à demain. Je t’embrasse délicatement en te donnant rendez-vous au lendemain afin que tu deviennes ma femme.

Samedi 5 juillet 2014.

Vu le cadre très particulier, je fais garder nos enfants car j’estime que l’environnement ne leur conviendrait pas. Malgré le fait qu’une petite salle de repos nous soit prêtée pour célébrer cet événement, elle se trouve au service de neurologie. Un service où l’on peut croiser des personnes qui, visuellement j’entends, peuvent choquer un enfant de par certaines postures ou bien cicatrices. Mais ce n’est pas sans regret que je choisis de les faire garder aujourd’hui car j’aurais tant aimé qu’ils soient présents pour assister à ce jour où toi, leur maman, et moi nous nous sommes dit OUI.

Je prends également la décision de passer cette première nuit en tant que mari dans ta chambre afin d’être au plus près.

Seul devant le miroir, je finis de m’apprêter. Costume foncé impeccable mais pas de cravate pour rehausser une chemise d’un bleu très clair. Je finis de nouer mes chaussures de ville, puis après m’être redressé, mon regard croise mon reflet :

« Tu vas y arriver Abel… », je pense au fond de moi.

Je me rends au CHU de Poitiers avec un stress énorme mais le sourire aux lèvres. Je grimpe les quelques grandes marches de l’entrée principale qui accueillent ceux qui viennent prendre un café à l’air libre ou discuter autour d’une cigarette, prend l’ascenseur pour me rendre en neurochirurgie afin de voir si tout est prêt et en pénétrant dans le couloir, au milieu du ballet d’aides-soignantes et de patients :

« WAOUH !!! Mais il a fait péter le costard le futur marié », disent certaines infirmières.

Je m’avance en souriant et en baissant la tête. Devant la porte de ta chambre, je retrouve ta mère Jacqueline mais je ne peux rentrer car tes deux meilleures amies et témoins s’affairent pour te faire toute belle. Après l’avoir saluée brièvement, je m’éclipse pour me rendre dans la salle de repos qui nous servira pour la fête. Elle se trouve dans le service de neuro-rachis et je suis accueilli par la cadre de santé de ce service.

C’est une femme plutôt grande et svelte avec une chevelure noire qui dépasse délicatement de ses épaules. Elle a une voix très douce, un beau visage et une peau mate qui laisse supposer sans aucun doute les origines ensoleillées de cette personne que je rencontre pour la première fois.

Prévenue de mon arrivée par son homologue féminine de neurochirurgie, elle me conduit à la salle qui nous est prêtée. Je la remercie vivement en lui promettant de faire très attention. Pendant que j’installe sans plus attendre les 4 tables et les quelques chaises, les premières personnes arrivent et c’est avec une certaine émotion que je retrouve mon témoin Nico et sa compagne Coralie, suivis de très près par mon oncle Dominique qui sera également mon témoin et sa femme Marie-Christine. Et puis… il y aussi le maire de notre petit village, Frédéric, accompagné de sa femme Hélène. Je parle d’une certaine émotion car c’est lui qui aurait dû nous marier et même si cela ne sera pas le cas aujourd’hui, le fait qu’il ait répondu à mon invitation et la présence surprise de sa femme me touche beaucoup.

Grand et carré d’épaules, Frédéric est un fan inconditionnel de rugby. Les cheveux châtains avec en permanence une barbe soignée ou le bouc, il offre une voix relativement grave pour un caractère fort et posé. Il prend très à cœur son rôle de maire et il était fraichement élu lorsque j’ai pris rendez-vous avec lui pour lui exposer notre situation et le désir que tu portes le même nom que moi. Seulement voilà, la loi n’autorise pas un maire à effectuer un mariage en dehors de sa commune. Cependant très touché par notre histoire, il n’a pas hésité une seconde lorsque je lui ai demandé de se joindre à nous pour y assister, mais il ne savait pas si sa femme oserait venir.

Sa femme, Hélène, est beaucoup plus petite que lui et très fine. Avec de longs cheveux châtains clairs qui dépassent des épaules, elle a un joli visage aux traits fins et délicats avec de petits yeux bleus. De nature discrète et réservée, elle a une voix fluette et aime écouter avant de parler je pense. Je dis je pense car je ne la connais que très peu mais sa présence surprise aujourd’hui me fait savoir que c’est certainement une belle personne qui a le sens des valeurs humaines.

Surpris donc de les voir arriver tous les deux, je m’avance et engage :

« Ça me fait plaisir de te voir Fred. Merci beaucoup !

- Normal, et je crois qu’il ne pouvait pas en être autrement ».

À ce moment-là, arrive Cédric qui est le compagnon d’Angélina, l’une des témoins et la meilleure amie d’Edwige. À cet instant, je ne le sais pas encore mais Cédric (que j’appelle Corben) va jouer un rôle important dans l’année qui va suivre.

Je poursuis en tournant la tête vers l’épouse de Fred :

« Par contre, désolé de dire ça devant toi Monsieur le maire, mais ça me fait encore plus plaisir voir ta petite femme Hélène. Pourtant, ton homme m’a dit qu’il ne savait pas si tu voudrais venir et ça me touche vraiment que tu sois là ».

Elle marque un léger sourire discret en baissant les yeux et Corben intervient sur un ton ironique :

« Et toi t’es comme ça Bélou ? Tu tutoies le maire et sa femme ? Ça va, tranquille ? Tu te la pètes un peu non ? ».

Nous marquons tous les quatre en cercle un rire sincère et décontracté qui nous donne une touche de légèreté, puis je lui réponds :

« Mais qu’est que tu crois Corben ? Je fréquente les hautes sphères du pouvoir politique mon ami. Je ne vois que du beau monde ».

Avec une mine de respect, lèvres en bas et menton en avant, signifiant Chapeau l’artiste !, il ajoute :

« C’est bien ça mon Bélou… T’as fait ton chemin dans le grand monde. Respect bonhomme »

Nous rions à nouveau et Hélène me renvoie :

« En fait j’ai hésité car je ne savais pas si psychologiquement je serais capable d’y assister étant donné que ce qui vous arrive est assez délicat. Et puis j’ai pensé que je ne devais pas me mettre de barrières, donc c’est bien je pense que je sois avec mon homme pour assister à votre mariage.

- En tout cas vraiment merci… Ça me touche »

Je continue d’installer les quelques petits gâteaux, jus d’orange et gobelets lorsque ta mère arrive à son tour devant moi :

« Tu es tout beau mon futur gendre !

- Merci jolie maman. Alors ça y est, elle est prête ?

- Oui ça y est, ton beau-père est parti la chercher avec le fauteuil mais ils m’attendent car je vais l’accompagner moi aussi. Cependant, je suis venue pour accrocher ça à ton veston ».

Et elle épingle alors sur le revers de ma veste une très jolie boutonnière de fleurs. Ce sont deux toutes petites roses blanches assez fines. Elles sont accolées comme un mini bouquet à une petite feuille verte et sur toute la moitié des tiges, le maintien est effectué par deux fils de fer souple torsadés, dont un est gris métal et l’autre fuchsia, avec à leurs extrémités deux petites perles nacrées de couleur claire. Une fois accrochée, je la prends dans mes bras en la remerciant avec une grosse bise. Puis elle s’éclipse en me laissant avec les invités. La trouille monte en moi d’un cran supplémentaire comme si j’étais un petit garçon qui commence son premier jour d’école. Je n’ose alors imaginer l’état dans lequel tu dois être à ce moment-là.

Tout le monde est présent, l’adjointe au maire et sa conseillère qui doivent diriger la cérémonie, ton frère et ta sœur, Mickaël et Magalie ainsi que leurs conjoints respectifs, Aurélie et Yann. Mon oncle Dominique et mon ami Nicolas qui seront mes témoins voient mon stress qui monte. Ma tante, Marie-Christine, qui est très émotive commence déjà à pleurer. La femme de Nico, Coralie, attend patiemment et toujours avec une grande discrétion.

Mes deux sœurs, Virginie et Céline, refont le monde avec leurs maris, Philippe et Jérôme. Corben discute avec Frédéric et Hélène quand enfin… tu arrives, poussée par ton père…

Tu as un petit bibi blanc crème posé savamment sur le côté droit de la tête avec un tulle à pois blancs qui couvre délicatement ton œil dont la paupière ne peut plus s’ouvrir. Tes petites lunettes rectangulaires à bordures noires qui ne cachent pas ton œil resté ouvert et tes paupières sont rehaussées par un fard dans les tons violets que tu aimes tant. Un rouge pastel et nacré dessine tes lèvres pour laisser apparaître le sourire éclatant que tu m’envoies tout en avançant vers moi alors que de simples chuchotements se font entendre ici et là. Un collier, fait main en fils de fer souple torsadés noirs et argents, part du centre de ton cou pour en faire délicatement le tour par le côté droit pour ensuite redescendre sur le haut de ta poitrine sans rejoindre son point de départ et en dessinant une fleur à grosse pétales avec en son centre une perle blanche surplombée par un petit nœud noir et blanc. La robe corset que tu portes, est très belle elle aussi. Elle s’arrête juste au-dessus des genoux et un entremêle de lignes noires et irrégulières sur fond blanc donne l’impression que tu as de grandes roses dessinées sur toi puis elle est également assortie à une ceinture écharpe satinée. Et enfin, des collants fins satinés et noirs pour terminer par des petites ballerines noires très discrètes. Tu tiens dans ta main droite ton bouquet de mariée dont le corps est en fines cordelettes blanches serrées pour des fleurs aux couleurs blanches, fuchsias, verts chlorophylle et violets pastel.

Ton père te pousse à ma hauteur et je m’agenouille devant toi en ne pliant qu’un seul genou :

« Tu es magnifique ma chérie.

- Merci mon Bélou ».

Je dépose un baiser délicat sur ta joue puis je me redresse pour laisser le premier homme de ta vie t’emmener devant les deux femmes qui vont nous marier tout en marchant à ta gauche.

Les invités se resserrent derrière nous, les témoins prennent leur place de part et d’autre et une atmosphère très intimiste s’empare alors de cette petite pièce pour une représentation unique.

Les sourires s’échangent pendant la cérémonie, les photos s’enchaînent, des rires se font entendre, tes yeux bleus croisent les miens régulièrement, je suis invité à lire un texte de loi sur les engagements du mariage par l’adjointe au maire et puis…

Arrive l’instant magique. Cet instant délicieux qui scelle notre désir de ne former qu’un en échangeant nos alliances. Nous réalisons tous les deux cet acte avec un grand sérieux sans quitter nos mains des yeux. Délicatement alors, nous faisons glisser à tour de rôle, sur l’annulaire de notre main gauche le précieux anneau de métal puis, après avoir écouté les dernières phrases de la représentante élue, nous recevons le droit de pouvoir échanger notre premier baiser en tant qu’époux.

Je m’avance vers toi en me décollant légèrement de ma chaise pour t’embrasser et lorsque nos bouches se touchent avec amour :

« VIVE LES MARIÉÉÉÉÉÉS !!!!!!!!! »

Cette phrase prononcée à l’unisson est suivie par un battement de mains collectif, en signe d’approbation et d’enthousiasme, qui s’accélère pour laisser entendre :

« POUR LES MARIÉS HIP HIP HIP…….. HOURRAAAAAAA!!!!!! ».

Après avoir signé les registres, nous partageons tous un verre de jus de fruit avec quelques morceaux de gâteau tout en multipliant les photos, les pauses. Tous les invités veulent une petite photo avec les mariés et nous nous prêtons volontiers à ce petit jeu. Après tout, c’est NOTRE journée.

L’atmosphère est vraiment détendue et un moment me revient en mémoire en écrivant ces lignes. Je suis devant le buffet à délecter les quelques douceurs et ton père, Daniel, s’approche de moi pour subtiliser une petite friandise croustillante aux amandes :

« Ça va chef ?

- Très bien et toi mon gendre ?

- Nickel ! Et en plus, je pense à un truc qui me fait sourire.

- Ah bon, et c’est quoi ?

- J’ai quand même fini par l’avoir.

- De quoi ?

- Le buffet froid pour mon mariage ».

Il marque un large sourire puis il rétorque sur un ton ironique :

« Ah ça va comme ça hein, n’en rajoute pas ».

L’heure qui suit est ponctuée de moments de légèreté similaires puis, après avoir rangé la salle rapidement et remercié la responsable du service, nous choisissons de tous sortir sur le parvis de la tour Jean Bernard pour prendre l’air. Je saisis ton fauteuil par les poignées et j’engage la marche suivi par nos convives.

Une fois dehors, les invités choisissent de rester sur la dernière des quelques marches du large escalier puis je prends la pente à faible déclivité réservée aux fauteuils pour te faire passer en bas. Presque instinctivement, je m’éloigne de la base du dit escalier en restant cependant sur ce grand espace et en dessinant un grand cercle très lentement. Nous sentons alors la douce chaleur du soleil réchauffer nos épaules et le regard d’un public composé de notre famille, d’amis et de personnes totalement inconnues. Je me penche alors au-dessus de ton épaule droite pour te dire :

« Ça va Madame Bau ?

- Oui Monsieur Bau. Mais j’aimerais quelque chose mon Bélou.

- Quoi donc ma p’tite femme ?

- Je veux marcher.

- T’es sûre ? Tu risques d’avoir du mal à marcher.

- Oui je sais mais je veux faire mes premiers pas de femme mariée. Et puis tu vas m’aider.

- Bon d’accord ».

Je bloque les freins de ton fauteuil, et après avoir enlevé les reposes pieds, je plaque la paume de ma main contre la tienne tout en posant mon autre main contre le bas de ton dos. J’entends le silence tomber autour de nous lorsque tu te redresses sur tes jambes. Un silence qui fait place aux légers chants d’oiseaux et qui donnent le sentiment qu’eux aussi sont venus nous saluer. Nous sentons le regard de toutes les personnes présentes sur la plus haute marche et lentement, tu avances ta jambe droite de façon hésitante et maladroite, puis tu enchaînes ainsi quelques pas toujours très lentement et je sens tout l’appui que tu exerces sur ma main. C’est alors que nous entendons notre public nous applaudir. Nous sommes surpris toi et moi car il y a évidemment ceux qui ont fait le déplacement pour nous, mais également tous ces visages qui nous sont étrangers. Ces visages qui te regardent faire tes premiers pas en tant qu’épouse, ces visages qui sourient en applaudissant. Nous ressentons à cet instant une vague d’amour qui arrive sur nous. Comme si notre mariage, dans un cadre si particulier, pouvait fédérer des personnes qui ne se connaissent pas. Les claquements de paumes continuent de se faire entendre pendant que tu continues de regarder tes pieds pour avancer. Je tourne alors ma tête vers le haut de cet escalier où je garde en mémoire, tel un tableau immuable, toutes ces femmes et ces hommes célébrant notre mariage à leur façon. Ainsi, et pour leur signifier notre reconnaissance, je leur lance à tous par un signe de tête avec des yeux brillants :

« Merci ! »…

Nous revenons près de nos spectateurs pour nous prêter au jeu des pauses avec tous nos convives. Et le reste de l’après-midi s’est égrené de la sorte avec beaucoup de légèreté, d’insouciance, de photos et de sourires.

Nous sommes maintenant seuls dans ta chambre et l’on sait qu’il nous reste environ 30 minutes avant que notre repas soit servi. Je te lance :

« Tu veux que je t’aide à prendre ta douche Madame ma femme ?

- Oui mon mari », tu me réponds les yeux pleins d’amour mais avec une voix très lente.

Après avoir retiré tes vêtements et bijoux, je t’assieds dans la cabine de douche et tel un enfant qui vient de naître, je lave soigneusement ton corps. Après ta toilette, je fais glisser une chemise de nuit sur toi, et tu entoures alors tes bras autour de mon cou en me chantant d’une voix douce et lente :

« Et, si ce soir, on dansait le dernier slow ?… Comme si l’air du temps se trompait de tempo.

Et, si ce soir on dansait le dernier slow ?… Un peu de tendresse au milieu du Disco… »

Je t’emmène ainsi sur ton lit en te faisant danser lentement au rythme de cet air qui nous fait sourire et nous rapproche. Nous recevons notre repas de mariage très minimaliste ce qui nous fait bien rire étant donné le contexte. Je te dis :

« Mais dis-moi, tu t’es surpassé mon amour. Un succulent filet de poulet cuit à l’eau, sans sel et sans sauce avec une purée de pomme de terre ! Tu m’avais promis du rêve et la grande vie, ce repas va au-delà de mes espérances.

- T’as vu ça mon Bélou… Je ne me suis pas moqué de toi hein ?

- Ah là je dois dire que tu es une vraie épouse modèle ».

Et c’est sur ce rythme que le repas se poursuit. De la légèreté, des vannes, des sourires et des bisous pour un repas de mariage qui ne ressemble à aucun autre. Pas d’orchestre, pas de réveil des mariés, pas de lune miel mais deux personnes qui s’aiment simplement dans l’adversité…. :

« BONSOOOIIIIRRRRR LES JEUNES MARIÉÉÉÉÉS !!!!! »

Les infirmières et aides-soignantes du service de neurochirurgie viennent de faire irruption dans ta chambre avec un plateau, quelques verres, des briquettes de jus d’orange et un drap soigneusement plié. L’une d’elle prend la parole :

« Voilà, on voulait venir vous souhaiter tous nos vœux de bonheur car vous êtes un couple peu commun et on voulait trinquer avec vous », dit-elle pendant qu’une de ses collègues remplit les verres. Puis elle poursuit :

« Alors on a toutes participé pour faire ceci… », et deux aides-soignantes déplient le drap qui laisse apparaître toute une flopée de signatures, de mots tendres et de petits graffitis mêlant petits cœurs et dessins de tous le personnel du service. Nous reconnaissons chacun des prénoms qui commencent à nous être familiers et il y a même celui de la cadre du service, cette femme aux yeux clairs et au visage rassurant mais qui n’a pas pu être présente pour l’occasion. Les filles rient de bon cœur, partagent avec nous le verre de l’amitié puis avant de partir non sans une certaine émotion, l’une d’elles me dit :

« Ah au fait, on vous a envoyé sur votre boîte mail la photo dont on vous a parlé où nous posons toutes ensemble avec notre responsable (une photo qui servira plus tard mais elles ne le savent pas).

- Merci les filles. Vous êtes trop mignonnes », tu réponds avec une voix fatiguée mais les yeux brillants.

Elles referment la porte et on entend :

« POUR LES MARIÉS… HIP HIP HIP…. HOURRAAAAAAAAA ! »

Je te borde, t’embrasse tendrement sur le front et sur la bouche, puis je me couche sur le petit lit de camp installé à côté de toi. Notre nuit de noce est là, et même si elle est atypique, c’est au son et au rythme de nos respirations que nous trouvons le sommeil rapidement après une journée fatigante pour moi, mais très éreintante pour toi.