Chapitre 20
Environ huit jours sont passés depuis ton opération, tu es toujours en neurochirurgie et tu as perdu du poids car malgré les perfusions et quelques compotes, tu as du mal à t’alimenter. Tu peux t’asseoir sur un fauteuil roulant en étant assistée par quelqu’un et la paupière de ton œil droit ne s’entrouvre qu’à moitié. Tu as tout à fait conscience de ton état mais tu n’as de cesse de répéter que tu veux te battre pour tes enfants.
Aujourd’hui, tu vas passer un test pour voir si les aliments que l’on souhaite te donner ne risquent pas de faire fausse route. Nous sommes conduits dans une petite salle où se trouve un chariot en inox avec divers aliments disposés dessus (compote, yaourt, soda, eau aromatisée), et à côté, une sorte de grande étagère roulante avec en hauteur un écran carré d’une cinquantaine de centimètres, en-dessous un écran d’ordinateur et juste à côté, un clavier avec une sonde caméra déjà allumée. Je comprends alors ce qu’il va se passer et l’on me demande si je veux rester. Ma réponse est évidemment positive et je regarde la personne diriger le test.
Elle commence par introduire la sonde avec caméra dans ta cavité buccale et l’image apparaît à l’écran. Tandis que la caméra progresse le long de ta langue, je réalise que j’assiste à quelque chose d’inédit et étrange à la fois. Puis nous arrivons à l’entrée de l’œsophage qui reste fermée en temps normal. Une fois en place, elle pousse avec une fine tige souple l’entrée pour provoquer intentionnellement le réflexe de tirer au cœur. Ensuite, elle commence à verser un colorant bleu dans un yaourt nature :
« Pourquoi faites-vous ça ?
- C’est très simple monsieur Bau. Ça va faciliter la netteté de l’image à l’écran pour vérifier si les aliments ne font pas fausse route ».
Étant donné que tu ne peux pas parler avec cette sonde insérée dans ta gorge, tu regardes avec ton œil ouvert cette femme mélangeant une bouillie lactée avec un colorant alimentaire. Elle porte à ta bouche une demi-cuillère à café et l’on te voit sans trop de difficulté déglutir pour envoyer cette petite portion dans ton estomac. Elle va répéter l’opération à deux ou trois reprises pour ensuite passer à une compote présentant une structure plus épaisse tout en nous expliquant que de toute façon il serait délicat dans un premier temps de te faire avaler des aliments ayant une solide consistance vu que tu as quelques difficultés à actionner la mastication.
Pour la compote, l’opération est la même mais nous nous heurtons une fois sur quatre à une fausse route et enfin, elle terminera ce test en trempant un bâtonnet de bois dont l’extrémité est pourvue d’une petite bille de mousse dans de l’eau avec du sirop puis dans un soda au cola. Ta réponse nous fait sourire à la déglutition de ce dernier :
« Hhmmmm !!! Chéééééééééé booooooon… »
Suite à ce test assez concluant, on t’annonce que tu vas bientôt pouvoir manger à peu près normalement mais avec des choses légères et mixées.
Tu vas ensuite finir ton séjour en neurochirurgie pendant huit jours supplémentaires avant de partir pour le centre de médecine physique et réadaptation se trouvant sur le site même du CHU de Poitiers.