Chapitre 4
Nous sommes le 15 août 2013, 3 semaines avant le mariage d’Aurélie et Xavier. Tu viens d’ouvrir ton cadeau pour tes 34 ans… 2 places pour aller voir Christophe Maé en concert le 10 décembre 2013 au « Grand Hall » de Tours ainsi que son dernier album Je veux du bonheur. Tu es toute folle car ce sera ton premier concert et en plus, tu aimes trop cet artiste. Ma sœur Céline est dans la confidence car je lui ai déjà offert le même album et la 2ème place est pour elle. Après une longue discussion, tu aurais aussi souhaité qu’il y ait ma cousine Anne-Sophie. J’achète la place presque instantanément et c’est avec beaucoup de plaisir que tu lui annonces qu’elle sera également de la partie. 3 places devant la scène avec ma sœur et ma cousine !
Quelques jours plus tard, Benoît, le petit ami de l’époque de ma couz’ d’amour (comme j’aime l’appeler) et aussi le parrain de notre petite Pauline, choisit de se joindre à vous. En ce qui me concerne, je planifie de rester à la maison et de garder nos enfants pour te laisser profiter pleinement de ce moment que je veux inoubliable pour toi…
Vendredi 6 septembre 2013, veille du mariage de nos amis.
Notre semaine de travail vient de s’écouler, et comme à ton habitude depuis pas mal de temps, tu aimes te reposer un peu dès que tu rentres. Tu as toujours beaucoup de mal à récupérer et tu ne portes pratiquement plus tes lentilles, elles te font mal aux yeux. C’est logique, tu travailles devant un écran toute la journée et ta vue se fatigue assez vite je pense. Et puis je me dis que Pauline n’est là que depuis 7 mois et toi tu travailles à la journée. Donc je m’affaire pour te faciliter la tâche quand tu rentres.
J’ai récupéré les enfants, les courses sont faites tout comme le ménage. J’ai repassé le linge et je prépare maintenant le dîner pour nous deux seulement car je vais déposer nos enfants chez mon oncle et ma tante afin que nous puissions nous préparer tranquillement le lendemain…
« Oooooh… ! T’es un amour mon Bélou. T’as tout géré comme un chef ».
On s’embrasse et tu passes tes bras autour de mon cou.
« Tu n’as plus qu’à te mettre les pieds sous la table… Future Mme Bau.
- Quoi ?… Qu’est-ce que tu viens de dire ?
- Moi ? Rien du tout.
- C’est une demande officielle mon Bélou ?
- Euh… Non, je te réponds sur un ton ironique.
- Alors pourquoi « future » ?
- C’est le mariage de Lili et Xav’ demain. Ça me monte probablement à la tête.
- Donc tu y penses ?
- Oui bien sûr. Mais je te rappelle que je t’ai déjà fait une demande officielle lors de la naissance de Louis.
- Oh oui, tu me réponds avec des yeux qui soudainement se remplissent d’étoiles. J’étais dans la chambre de la maternité avec Louis dans les bras. Une infirmière est entrée avec un plateau et un chiffon posé dessus. Elle m’a dit en rentrant que c’était l’heure de prendre mon médicament. Et toi mon Bélou, tu es rentré juste derrière. Elle a enlevé le chiffon et…
- …Et j’ai pris la boîte qui était dessus pour poser un genou à terre devant toi, l’ouvrir et te demander de m’épouser. Tu t’es mise à pleurer et tu m’as dit OUI.
- Enfin bon, dis-tu en te ressaisissant avec une certaine nonchalance, c’est pour quand ?
- Quoi ?
- Ne fais pas ton neuneu. (Tu m’embrasses). Je te parle de notre mariage.
- Eh bien, ça prend du temps pour organiser ça. Et puis on en a parlé l’autre jour avec tes parents, tu te souviens ? Le chef (c’est comme ça que j’aime appeler mon beau-père) n’avait pas l’air très chaud pour faire un mariage simple avec buffet froid.
- C’est une autre génération, dis-tu en t’asseyant à table.
- Oui c’est clair. Ils sont traditionalistes mais ce sont des amours tes parents… Si tu veux, on pourrait commencer à programmer ça pour l’année prochaine ou au max celle d’après ? »
Tu te précipites dans la chambre pour prendre un cahier flambant neuf, un crayon et reviens t’asseoir à table. Tu ouvres presque religieusement ton cahier avec un sourire non dissimulé, passes délicatement et lentement ta main sur la reliure pour bien aplatir la première page de la couverture et me dis avec un large sourire toute excitée :
« Alors, on invite qui ? »
Je me dirige vers le réfrigérateur pour y subtiliser une bière. Je l’ouvre pour m’asseoir ensuite face à toi et je te lance :
« OK, on le fait pour l’année prochaine ou celle d’après ?
- Celle d’après. On va être trop court pour organiser tout ça. Et puis 2015 ça sonne bien.
Alors, mes demoiselles d’honneur seront mes copines Rosy et Angélina. Et puis je veux qu’il y ait ma Lili avec Jéjé, et puis Bébé et Gaëtan, et puis Mathilde et Oliv’, et puis Delphine et Mat’, et puis…
- Détends toi on verra ça plus tard. On va déjà manger et se reposer car demain on a une grosse journée.
- Vendu !
***
Samedi 7 septembre 2013.
Aurélie et Xavier ont choisi de se marier dans le petit village où nous habitons. On se dépêche car nous sommes en retard étant donné qu’on a dormi comme des bûches vu que les enfants n’étaient pas là… De plus, nous habitons à 50 mètres de la mairie alors être en retard, ça le ferait moyen comme tu dis parfois.
Tu sors de la salle bain avec une robe magnifique. Une robe bustier noir et blanc crème avec de superbes escarpins vernis à talons aiguilles. Tu te présentes devant moi et je suis sous le charme. Je remarque que tu n’as pas mis tes lunettes et tu m’expliques que tu préfères les lentilles pour aujourd’hui. Ça fait ressortir tes yeux bleus.
Je te dis d’emmener tes lunettes dans leur étui au cas où mais tu ne veux pas t’embarrasser avec ça. Nous sortons sur la place et il y a déjà du monde. Tu te rapproches des filles qui finissent de s’apprêter avec la mariée. Quant à moi, je vais retrouver quelques amis dont le témoin du marié, Pacha, de son vrai nom Jean-François, qui tient le bar du village pour boire un verre ensemble avant la cérémonie.
Nous sommes chacun de notre côté. L’ambiance est légère et les gens sourient. Quelque chose flotte dans l’air… Peut-être une certaine insouciance, je ne saurais le décrire. J’ai assisté à plusieurs beaux mariages dans ma vie dont celui de ta sœur Magalie. Mais il y a vraiment une sensation particulière aujourd’hui, une sensation bénéfique je dirais et ce n’est pas la situation actuelle qui me fait penser cela avec un certain recul.
Tous les acteurs de cette journée se retrouvent à la mairie et c’est évidemment dans une ambiance décontractée que ce mariage est célébré. La salle est certes relativement petite mais c’est un très bon moment. Un moment où je te vois rire aux éclats mon Edwige lorsque Pacha, le témoin du marié, apprend que Xavier a pour deuxième prénom Jean-François. Le maire énonce les noms complets des deux « héros » de la journée et notre Pacha se tourne vers le marié et il lui dit :
« Nan… Sérieux ?!… Tu t’appelles Jean-François ? »
Tout le monde marque un rire franc et je me souviens encore te regarder à ce moment-là. Tu as un large sourire et je t’entends encore rire aux éclats.
Après la cérémonie, nous nous retrouvons tous à la salle des fêtes de notre village pour le vin d’honneur suivi du traditionnel repas.
Le vin d’honneur est vraiment très agréable. Il y a un musicien qui se fait appeler « Le violoniste voyageur » et il circule parmi les invités avec son instrument en jouant de façon très douce un panel d’airs connus et de musiques de films. Toujours cette atmosphère légère et détendue. Rien ne peut atteindre personne. Les gens se parlent, sourient. Ils se posent la main sur l’épaule, échangent quelques mots puis une accolade ou une tape dans le dos et enfin se laissent aller à changer de partenaire pour poursuivre une autre discussion.
Nous passons ensuite à table pour profiter d’une superbe soirée. Aurélie et Xavier ont eu l’idée d’un buffet froid ce qui rajoute une touche de convivialité supplémentaire à ce beau mariage. J’ai le souvenir de Xavier me disant derrière le bar de la salle des fêtes :
« Vous êtes ici chez vous Edwige et toi. Ça me fait plaisir que vous soyez là et je veux que vous profitiez de ce moment.
- Merci Xavier… »
Le mariage se poursuit avec un animateur très sympa et il capte cette atmosphère qui génère cette légèreté depuis le début de la journée. En quelques minutes à peine, il donne le ton de la soirée et ne manque aucun instant pour faire vibrer la salle. Chaque personne présente au repas prend plaisir à danser, chanter et manger. Les convives changent de place pour boire un verre avec une personne qu’ils apprécient à l’autre bout de la table, échanger quelques mots et trinquer ensemble…
L’ambiance monte crescendo au fur et à mesure que la soirée se poursuit et après un superbe gâteau mettant en avant la passion des mariés pour le poker, pas une seule personne ne manque à l’appel sur la piste de danse. Les heures s’allongent mais tout le monde profite. Les invités s’épuisent, se rassoient, boivent un verre, repartent danser, se prennent en photo… Les selfies se multiplient et la musique continue de monter.
Je marque une bonne pause pour discuter avec deux amis qui semblent exténués. Je m’approche donc de Pacha et Guillaume (que j’appelle Houdini car il est magicien amateur). Ils sont assis, ou plutôt avachis chacun sur une chaise et ils échangent sur un mal au pied commun en ayant pris soin d’enlever leur chaussures avant. Je m’assois avec eux et c’est à ce moment que la femme de Pacha arrive pour se joindre à ce carré VIP improvisé. Nous discutons brièvement tous les 4 et nos regards se tournent vers toi. Tu es pieds nus au milieu de la piste et tu sautilles sans ménagement d’un pied sur l’autre en agitant tes bras de façon désordonnée mais en rythme sur une grande chanson française d’un certain Sébastien Patoche qui relate les exploits de Chuck Norris puis après sur la chanson du vrai Patrick Sébastien « Les sardines ».
Stéphanie te regarde d’un air amusé mais avec des yeux grands ouverts puis, elle tourne sa tête vers moi et me dit :
« Ah non mais elle est incroyable ta p’tite chérie ! Il est presque 4h30 et elle est toujours au taquet ! Une vraie pile électrique !
- C’est vrai qu’elle cartonne ta femme, surenchérit Pacha. »
Houdini ne dit rien mais n’en pense pas moins. C’est à ce moment-là que tu remarques que nous sommes rivés sur toi, et c’est en sautillant les bras le long du corps avec une énergie folle que tu nous lances un grand sourire tout en couleurs. De tout le mariage, je pense que c’est cet instant que je veux retenir. Un point suspendu dans le temps où rien d’autre que toi n’existes, où tu nous donnes ce qu’il y a de meilleur en toi en rayonnant de joie, d’énergie et de plaisir. Je me rends compte aujourd’hui que tu as résumé à toi seule cette légèreté et cette insouciance qui auront été le fil conducteur de cette si belle journée de mariage…
Le lendemain, tu as les yeux très rouges, comme si on avait versé du sable sur tes paupières et c’est là que tu me dis que tu ne porteras plus tes lentilles. Je me dis sur le moment qu’étant donné l’énergie que tu avais dépensée dans cette soirée, il était logique que tu préfèrerais tes lunettes dorénavant. Mais j’étais loin d’imaginer que c’était réellement la dernière fois que tu les porterais.