Chapitre 25
Jeudi 27 novembre 2014.
C’est une grande journée pour toi car c’est enfin le jour du départ pour un nouveau lieu de vie. Environ deux semaines auparavant, j’apprenais qu’une place se libérait au centre hospitalier de Melle et j’avais eu le plaisir avec tes parents ainsi qu’une de tes témoins de mariage, Rosy, de pouvoir visiter la structure. Elle se trouve dans un endroit très calme et elle est vraiment récente car achevée en mars 2009.
Seulement cinq lits y sont dédiés pour le type de pathologie que tu présentes et les chambres individuelles où ils se trouvent sont très spacieuses. L’hôpital ne possède qu’un seul niveau avec en son rez-de-chaussée un EHPAD et à l’étage un SSR (service Soins de Suite et de Réadaptation) où tu es donc admise.
Dans cette unité, il y a cinq infirmières et plusieurs aides-soignantes qui tournent à temps plein pour s’occuper des malades qui sont là à court terme et bien sûr pour celles et ceux qui sont là pour un long moment comme toi.
Ce qui m’a le plus frappé dans cet endroit lors de ma visite, c’est le calme qui y règne. En effet, la chambre que tu vas occuper se trouve au bout d’un couloir assez large et très lumineux. Au début de ce couloir se trouve le bureau des infirmières, puis lorsqu’on le parcours, il y a de part et d’autres les chambres des malades qui restent peu de temps. Et enfin, il se termine par les cinq chambres les unes à côté des autres situées perpendiculairement au couloir.
Tu es très stressée car même si on t’a briefée en mettant en avant tout le confort auquel tu auras accès, c’est pour toi un changement brutal. Il y a des nouvelles voix car tu ne peux toujours pas ouvrir tes paupières, des nouvelles habitudes de vie, de nouvelles règles…
J’ai fait le trajet en ambulance avec toi entre le CHU de Poitiers et l’hôpital de Melle car je ne voulais pas que tu sois seule pour ce changement. Ton père va venir me chercher pour me ramener à ma voiture.
Nous arrivons enfin après une bonne heure de route dans une position assez inconfortable pour toi. Le responsable du secteur nous accueille chaleureusement
Un homme assez petit qui approche la soixantaine se présente devant moi. Les cheveux grisonnants, assez courts mais ondulés. On sent tout de suite qu’il est assis sur une expérience de vie qui force le respect. Certainement due grâce à son âge bien sûr mais aussi et surtout à ce côté très humain qui lui apporte le privilège d’avoir tout de suite la confiance des personnes qui lui font face. Cette confiance qui se reflète surtout dans la manière de diriger avec beaucoup de souplesse la fantastique équipe d’infirmières et d’aides-soignantes que nous allons connaître et qui laissera en nous cette empreinte indélébile.
Une infirmière accompagnée d’une aide-soignante t’installe délicatement sur le lit. Le responsable du service discute avec moi lorsque tes parents arrivent pour venir me chercher :
« Alors, elle est bien installée ma fille ?
- Nickel Chef ! »
Tu commences à trembler et à te crisper. Tu replies tes bras sur toi pour ramener tes mains vers ton visage comme si tu voulais t’étirer et bailler. Tes jambes se tendent encore plus et même si tu es allongée, le bas de ton dos se creuse comme pour former un pont et c’est sans difficulté que l’on pourrait passer le poing dessous. Je dis à mon interlocuteur en blouse blanche :
« Elle se tend de plus en plus ces derniers temps.
- Oui je me doute, mais attendez un peu. Il faut aussi qu’elle se détende. Je ne sais pas vers quoi on se dirige mais nous allons prendre soin d’elle soyez-en sûr.
- Je ne doute pas un instant de vos intentions et de votre bienveillance mais ces derniers temps je la trouve un peu plus douloureuse au niveau des jambes.
- De toute façon, il va nous falloir une bonne semaine voire quinze jours pour commencer à la connaître, cerner ses attentes et adapter éventuellement le traitement qui lui est déjà administré. Nous ferons une réunion de bilan d’ici deux semaines et demie environ si vous le souhaitez et l’on pourra commencer à déterminer ensemble quel sera son rythme de vie parmi nous. Qu’en pensez-vous ?
- Je crois qu’on peut difficilement faire plus pro et carré » je lui réponds avec un léger sourire marquant la confiance qui est la nôtre dès à présent et il finit :
« Cependant, je vais partir en retraite d’ici six mois environ mais je peux vous promettre que je mettrai tout en œuvre avant mon départ pour que votre épouse vive dans les meilleures conditions possibles ».
Je sens toute la sincérité de ses mots et je me sens apaisé. Ton père ne dit rien et reste assis sur une chaise posée contre un mur de ta chambre si spacieuse. Ta mère quant à elle est posté à la fenêtre et regarde le coin de verdure depuis l’étage qui jouxte l’hôpital. Tu commences à te décontracter lentement et on ressent tous en quelque sorte ton relâchement car même si tu ne peux parler, on commence à décrypter le langage de ton corps presque inconsciemment. Les deux aides-soignantes qui viennent de t’installer quittent ta chambre. Elles nous lancent un sourire en te regardant avec beaucoup de compassion. Et je ne saurais dire pourquoi, mais c’est comme si elles s’étaient liées instantanément à toi. Comme si sans le vouloir, chacune des femmes qui allaient œuvrer pour toi, s’identifiait en voulant t’apporter un peu de son affection. Quelque chose de bien plus profond que des soins. Une nouvelle famille…